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27 octobre, 2021

Flambée du prix des engrais azotés, quelles conséquences sur le raisonnement de la dose d’azote ? Cas du blé tendre

Le prix des fertilisants et en particulier celui des engrais azotés minéraux connait depuis ce début de campagne une envolée sans équivalent. Même au cœur de la crise financière de 2008-2009, épisode le plus marquant de la forte volatilité des cours des matières premières et des engrais de ces dernières années, l’augmentation des prix avait été moins importante. Face à ce contexte inédit, quelles conséquences doit-on tirer sur le raisonnement pratique de la dose d’azote ?


Flambée des prix des engrais azoté

Sans rentrer dans le détail de la raison de la flambée des prix actuelle, citons simplement les principaux facteurs :

  • Flambée du prix du gaz, entrainant en cascade, celle de l’ammoniac puis des engrais azotés.
  • Réduction de le la production européenne d’ammoniac en absence de rentabilité liée au prix du gaz.
  • Forte reprise après Covid de l’activité économique.
  • Demande mondiale soutenue en engrais azotés liée au cours élevé des céréales.
  • Couverture insuffisante des besoins en urée de l’agriculture indienne.
  • Réduction des exportations d’urée de la Chine.
  • Tension géopolitique : Biélorussie, Afrique du Nord.
  • Tension sur la logistique : hausse du fret maritime, transport camion ralenti.
  • Attentisme dans les achats de fertilisants dans ce contexte haussier.
  • Crise persistante avec l’arrivée de l’hiver qui va accroître la demande en gaz.                               

Facteurs conjoncturels et structurels influençant la dynamique de prix des engrais.

 

Traditionnellement, le raisonnement de la dose d’azote sur grandes cultures repose sur l’application de la méthode du bilan prévisionnel Comifer (obligatoire en zone vulnérable). Ainsi,  les seuls critères pris en compte sont d’ordre agronomique.  Le but est en effet, d’équilibrer les besoins de la culture par les fournitures du sol (minéralisation  et reliquat sortie hiver) et la fertilisation, d’abord organique, en cas de ressource disponible, puis minérale, pour assurer le complément.

Dans ce cas, l’optimum technique (dose et rendement objectif) et l’optimum économique (dose qui maximise la marge)  sont le plus souvent confondus par souci de simplification alors que la réponse du rendement à la fertilisation azotée et le prix du blé ne sont pas encore connus.
Cependant, on comprend bien que certains évènements jouant de façon exceptionnelle sur le prix du blé ou celui de l’engrais azoté, la dose optimale peut varier de façon significative en fonction de leur rapport. Théoriquement plus le prix de l’engrais est bas et le prix du blé élevé, plus la dose optimale est élevée et inversement.

 

Courbes

Variation de la dose d'azote permettant d'atteindre l'optimum économique en fonction du prix du blé et de l'unité d'azote. Simulations s'appuyant sur 410 courbes de réponse à l'azote issues d'essais Yara France menés de 1987 à 2005.

 

Avec la hausse spectaculaire du prix des engrais associée à un prix élevé des céréales, il est conseillé aux agriculteurs de réduire les doses par défaut dans une fourchette de -15 à -25 kg N/ha selon les hypothèses de prix simulées afin de favoriser un meilleur retour sur investissement. Notons qu’une telle diminution de dose induira une baisse de rendement d’environ 2 q/ha ainsi qu’une baisse de la teneur en protéines autour de 0.5 %, l’amenant en dessous du seuil de 11%. En fonction des politiques tarifaires des organismes stockeurs, cette diminution des teneurs en protéines pourrait affecter le prix du blé payé aux agriculteurs avec une baisse supplémentaire comprise dans une fourchette de 1,5 à 2,5 €/t soit 12 à 20 €/ha (avec pour hypothèse un rendement de 80-85 q/ha) et fermer l’accès à certains marchés, notamment l’export.

 Cependant dans un contexte de prix des engrais azotés excessivement élevé, d’autres sources d’économies sont possibles afin de tirer le meilleur parti de chaque unité d’azote investie et tenter de compenser autant que possible ces baisses prévisibles de rémunération. Il s’agit en particulier de raisonner plus finement sa fertilisation en utilisant une méthode de pilotage qui permet de mesurer en cours de saison, à partir d’observations par satellite ou au champ, l’intérêt de compléter la dose d’azote au dernier apport.  Par ailleurs, la modulation intra-parcellaire de la fertilisation permet d’ajuster la dose d’azote en tout point de la parcelle en fonction de l’état azoté de la culture ce qui se traduit par des économies d’azote ou des augmentations de rendement. Enfin, plus que jamais, et dans la mesure du possible, il convient de privilégier les formes d’engrais azotés les plus fiables et les moins sensibles au phénomène de volatilisation ammoniacale comme l’ammonitrate qui apporte des gains de rendements systématiques et une qualité supérieure par rapport à l’urée ou la solution azotée, tout en présentant la plus faible empreinte carbone.