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02 janvier, 2017

Les conséquences des impasses en phosphore et potassium

Automne-hiver 2016-2017 : après une récolte céréalière calamiteuse dans la plupart des grandes régions céréalières, les impasses pas toujours raisonnées en phosphore et potassium se sont encore accrues. La consommation des engrais de fond P et K, simples et composés, a encore fortement chuté et des cultures pourtant exigeantes comme le colza, semblent avoir été délaissées, favorisant les carences.


Une moissonneuse dans un champ
Une moissonneuse dans un champ

A la lecture des dernières statistiques de consommation par hectare en phosphore et potassium, il devient légitime de s’interroger sur les conséquences de ces impasses sur le rendement des cultures et la durabilité de ces pratiques, même si les conséquences des impasses dans ces éléments passent souvent inaperçues. La baisse significative des teneurs en phosphore des sols depuis 10 ans dans la plupart de petites régions agricoles et les soldes négatifs en P et K (apports diminués des exportations) observés années après années appellent à une vigilance accrue sur la fertilité des sols.  

Seule l’analyse des résultats d’essais en fonction des cultures et des sols permet de resituer ces enjeux en toute connaissance de cause.

 

Les fondamentaux de la fertilisation P et K

Le raisonnement de la fertilisation phosphore et potassium en France repose sur l’approche élaborée  par le Comifer aux milieux des années 90 et qui a été plusieurs fois révisée depuis.

L’objectif en matière de fertilisation de fond consiste à satisfaire les besoins en P et K des cultures  afin d’atteindre le potentiel de production permis par les caractéristiques du milieu et le niveau de fertilisation azotée. 

Les critères à prendre en considération sont:

  • Les exigences des cultures : classées en 3 catégories,  des cultures peu exigeantes aux cultures très exigeantes en passant par les cultures moyennement exigeantes.
  • Les teneurs du sol, analysées selon les méthodes normalisées par les laboratoires agréés par le ministère de l’agriculture.
  • Le passé de fertilisation : notamment pour le phosphore , les fumures anciennes deviennent de moins en moins disponibles pour les cultures en raison de divers processus physico-chimiques  et du pouvoir fixateur des sols.
  • Le devenir des résidus de culture : les résidus de culture, pailles, fanes, verts, contiennent des nutriments mobilisés par les cultures qui retournent ensuite au sol sauf bien sûr lorsqu’ils sont exportés.


La combinaison de ces 4 critères a conduit à la définition de 3 stratégies de fertilisation:

  • une stratégie de renforcement de fumure afin de ne pas pénaliser le  potentiel de production malgré une situation de départ défavorable (sol pauvre par exemple).
    En pratique, il faudra apporter plus que les exportations de la culture.
  • une stratégie d'entretien visant à compenser  les exportations des cultures et à maintenir la fertilité du sol.
  • une stratégie d'impasse permettant de réaliser des économies raisonnées d’engrais quand la fumure n’apparait pas nécessaire (cas d’un sol riche et/ou d’une culture peu exigeante).

 

L’impasse en phosphore :  quels enjeux sur les rendements en fonction des situations ?


Les pertes de rendement en cas d’impasse en phosphore vont bien évidemment dépendre de l’exigence des cultures et des teneurs du sol.

En sol pauvre et pour des cultures exigeantes où il convient d’appliquer des fertilisations majorées, les pertes de rendement varient entre 17 et 30%, soit 6 à 12 q/ha sur un colza au potentiel de 40q/ha.

Pour les cultures moyennement et peu exigeantes, c’est plus de 10% de chute de rendement en moyenne avec des extrêmes dépassant 20% selon les conditions soit 7 à 15 q/ha pour une orge ou un blé dur à 75 q/ha et 8 à 17 q/ha pour un blé tendre.

Dans les situations intermédiaires de sols à l’entretien où il convient de compenser les exportations, l’impasse a également des effets négatifs sur les rendements dans une fourchette de 3 à 5.5 %, soit 1.5 à 4 q/ha de colza (forte exigence) ou 3 à 8 q/ha de blé (faible exigence).

Exigence des cultures / teneur du sol

Sol pauvre

 x < teneur renforcement

Sol à l’entretien

teneur renforcement< x < teneur d’impasse

Sol riche

x > teneur d’impasse

Cultures fortement exigeantes : colza, pomme de terre, betterave

17 %

3.2 %

0.5 %

Cultures moyennement exigeantes : blé/blé , blé dur, orge, maïs ensilage, ray-grass

10.1 %

3.1 %

3.1 %

Cultures peu exigeantes : blé tendre, mais grain, seigle, tournesol

11.8 %

5.5%

3.7 %

Perte de rendement en cas d’impasse en phosphore exprimée en % (source : Arvalis)

 

L’impasse en potassium :  quels enjeux sur les rendements en fonction des situations ?

 

Comme pour le phosphore, les pertes de rendement en cas d’impasse en potassium vont bien évidemment dépendre de l’exigence des cultures et des teneurs du sol.

En sol pauvre et cultures exigeantes, où il est nécessaire d’apporter des fertilisations majorées en potassium, les pertes de rendement atteignent en moyenne 20 % avec des valeurs maximales  jusqu’à plus de 30 %, ce qui représente  16 à 24 tonnes/ha  pour une betterave sucrière au potentiel de 90 t/ha ;  situation rare, il est vrai. 

Pour les cultures moyennement exigeantes, c’est également environ 20% de perte de rendement mesurée dans les essais, soit l’équivalant par exemple de 24 q/ha pour un maïs irrigué au potentiel de 120 q/ha.

Pour les cultures peu exigeantes, en situation de sols pauvres, l’enjeu est également significatif avec des pertes de l’ordre de 10% soit plus de 8q/ha pour un blé au potentiel de 85 q/ha.

Dans les situations intermédiaires de sols à l’entretien et de sols riches (teneur du sol > teneur d’impasse), les enjeux sont très logiquement plus modestes, compris entre 2 et 3% de rendement en moins pour toutes les classes de cultures.

Exigence des cultures / teneur du sol

Sol pauvre

< teneur renforcement

Sol à l’entretien

teneur renforcement < x< teneur d’impasse

Sol riche

> teneur d’impasse

Cultures
 fortement exigeantes :

 Pomme de terre - betterave

18 %

3.0 %

 

Cultures
moyennement exigeantes :

colza, mais grain –Tournesol  fourrages, ray-grass

20 %

0.8 %

6.3 %

Cultures
peu exigeantes :

blé tendre, blé dur, orge, avoine

10.4 %

2.0 %

1.1 %

Perte de rendement en cas d’impasse en potassium exprimée en %  (source : Arvalis) 

 

En conclusion, les impasses en phosphore et potassium sont possibles mais doivent résulter d’une démarche raisonnée s’appuyant sur le rapport à une analyse récente. A l’inverse, les impasses en phosphore et potassium basées sur un raisonnement approximatif peuvent induire des chutes très significatives de rendement et diminuer la rentabilité des récoltes. La nutrition des cultures doit reposer sur une fertilisation équilibrée qui prend en considération tous les nutriments.

A tort, phosphore et potassium sont trop souvent négligés au profit de l’azote or une nutrition insuffisante dans ces éléments nuit à l’efficacité de l’azote minéral ce qui entraîne une baisse de performance et un impact indirect sur l’environnement.

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