A quoi servent les inhibiteurs?

Fiction et réalité Les inhibiteurs d’uréase existent depuis plus de 25 ans mais on observe depuis quelques temps, un intérêt croissant pour ces produits qui pourraient remédier à certains défauts de l’urée et de la solution azotée. Ils sont même parfois considérés comme une vraie alternative à l’ammonitrate. Ces additifs tiennent-ils leurs promesses ? Dans quelles conditions peuvent-ils être utilisés ? Quel est leur intérêt sur le plan économique ?

Nombreux sont ceux qui apprécient les engrais à base d’urée pour leur prix réputé bas. Pourtant, l’urée et la solution azotée sont des sources d’azote moins économiques qu’il n’y parait, comparées aux engrais nitriques. L’un des inconvénients majeurs de l’urée et de la solution azotée est la volatilisation d’ammoniac, qui entraîne d’importantes pertes d’azote, la pollution atmosphérique et l’eutrophisation des milieux naturels. Pourquoi la volatilisation pose-t-elle problème?

Pourquoi l'urée est-elle sujette à la volatilisation ammoniacale?

Apportée au sol, l’urée doit être transformée en ammonium (NH4+) puis en nitrate (NO3-) avant que les plantes ne puissent l’absorber. Les enzymes uréases du sol sont les vecteurs de ce processus dénommé hydrolyse. La dissolution de l’urée dans le sol entraîne une augmentation temporaire du pH du sol autour des granulés, ce qui modifie l’équilibre chimique entre l’ammonium dissout (NH4+, lié aux particules du sol) et l’ammoniac gazeux (NH3) en faveur de l’ammoniac gazeux qui s’échappe dans l’atmosphère, augmentant les pertes d’azote par volatilisation (figure ci-dessous). 

Schéma de la volatilisation de l'ammoniac

A l’inverse, les engrais à base de nitrates ne subissent pas d’hydrolyse et sont donc bien moins sujets à la volatilisation. La volatilisation se produit généralement dans les deux semaines qui suivent l’application d’urée. Les pertes les plus élevées ont lieu quand l’urée n’est pas immédiatement incorporée au sol, par temps chaud et venteux, sur des sols à pH élevé ou à texture légère.

Pourquoi la volatilisation pose-t-elle problème?

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Les pertes par volatilisation ammoniacale varient fortement selon le type d'engrais azoté.

La volatilisation ammoniacale crée un double problème :

  • C’est une perte directe d’azote, et donc d’argent. Les pertes à cause de l’urée représentent 6 à 47 % de l’azote apporté contre 4 % pour les engrais à base de nitrates. Les pertes avec la solution azotée se situent à un niveau intermédiaire. L’Agence européenne pour l’environnement établi les coefficients d’émissions à 19,9 % pour l’urée,
    10,8 % pour la solution azotée et 3,0 % pour l’ammonitrate.
    Les pertes par volatilisation sont largement imprévisibles et donc difficiles à prévenir et à compenser. Elles dépendent de divers paramètres liés au sol et au climat. La forme d’azote est le facteur le plus important intervenant dans la volatilisation.
    L’ammoniac volatilisé représente un fléau environnemental et l’écrasante majorité des émissions d’ammoniac dans l’air provient de l’agriculture (élevage et engrais). Ces émissions ne s’arrêtent pas aux frontières des états et engendrent l’acidification et l’eutrophisation des sols et de l’eau par dépôt d’ion ammonium (NH4+). C’est pourquoi l’Union Européenne travaille à réduire ces émissions d’ammoniac et à fixer des plafonds à chaque pays.

  • L’ammoniac volatilisé représente un fléau environnemental et l’écrasante majorité des émissions d’ammoniac dans l’air provient de l’agriculture (élevage et engrais). Ces émissions ne s’arrêtent pas aux frontières des états et engendrent l’acidification et l’eutrophisation des sols et de l’eau par dépôt d’ion ammonium (NH4+). C’est pourquoi l’Union Européenne travaille à réduire ces émissions d’ammoniac et à fixer des plafonds à chaque pays.

  • L’ammoniac dans l’atmosphère réagit avec d’autres substances et forme des particules fines. Ces particules nuisent à la qualité de l’air et présentent un risque pour la santé, surtout chez les jeunes enfants, les asthmatiques et les personnes souffrant d’insuffisance respiratoire. Le Groupe Européen d’Évaluation de l’Azote (European Nitrogen Assessment Group) a évalué le coût sociétal de la perte d’ammoniac pour la santé humaine à 9,5 €/kg de NH3 et à 2 €/kg de NH3 pour l’impact environnemental. Plus de 100 kg d’ammoniac peuvent être perdus par tonne d’urée. La réduction des émissions d’ammoniac en Europe constitue donc une priorité absolue.

Bonnes pratiques agricoles

La mise en œuvre de bonnes pratiques agricoles permet d’éviter ou d’atténuer les pertes d’ammoniac. Différents moyens existent, et l’un des plus efficaces consiste à remplacer l’urée ou la solution azotée par des ammonitrates, notamment pour les apports les plus exposés aux pertes. Un fractionnement adapté des apports est également un autre moyen de réduire la volatilisation.
Incorporer l’urée au sol lors de l’épandage est efficace mais difficilement applicable sur les cultures d’hiver. En revanche, le risque de volatilisation augmente dans certaines conditions qui devraient remettre en cause l’utilisation d’urée ou de solution azotée :

  • Température élevée et/ou conditions venteuses sans prévision de précipitations
  • Apport sur prairie ou sur parcelles avec présence abondante de résidus de culture en surface (non labour, agriculture de conservation)
  • Sols alcalins ou sols à faible capacité d’échange en cations (sols sableux) qui conduisent à des pics temporaires du pH élevés.