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30 juin, 2017

Vigne : concilier qualité du vin et rendement avec la fertilisation

Pendant longtemps, la fertilisation n’a eu comme objectif de satisfaire que la notion « kilo-degré », source de rémunération d’un grand nombre de viticulteurs par des apports, souvent en excès, de potassium. En effet cet élément permet un enrichissement en sucres du raisin. 


Une personne verse du vin dans un verre
Une personne verse du vin dans un verre

Par ailleurs, la pratique courante a pour objectif de diminuer la vigueur en évitant les apports d’azote, afin d’améliorer la qualité des vins et de réduire la sensibilité aux maladies. Cette auto-restriction est aujourd’hui très pénalisante : arrêt de fermentation, moûts pauvres en azote utilisable par les levures, ajouts supplémentaires d’intrants pour la vinification … La carence en azote est plus défavorable que l’excès. Depuis quelques années les rendements viticoles chutent, et il est probable que la qualité des vins suive la même route.

Une conduite raisonnée permet au vin d’exprimer les typicités du terroir et du cépage. Mais produire ces fameux thiols variétaux demande la maitrise d’un ensemble de processus, du vignoble jusqu’à la bouteille. La fertilisation fait partie intégrante de ce système et son incidence sur la qualité du vin est régulièrement observée, sinon démontrée. Il faut donc satisfaire les besoins de la vigne pour maximiser la production et la synthèse de composés organiques. Deux stades clés ont été identifiés : l’encadrement de floraison et la maturation des baies.

 

Encadrement de floraison pour un meilleur rendement

L’encadrement de floraison participe activement à la construction du fruit. En effet, la réussite de la floraison est déterminante car elle conditionne certaines variables du rendement (taille de la grappe et nombre de baies) et facilite la nouaison.

Réalisé par des apports foliaires en encadrement de floraison, le magnésium et le bore, permettent de lutter efficacement contre la coulure, surtout sur les cépages sensibles aux carences magnésiennes (grenache, cabernet sauvignon, chardonnay ou encore sauvignon blanc). Le calcium, quant à lui, joue un rôle important sur la rigidité des parois cellulaires, réduisant ainsi le risque d’attaque de botrytis et d’éclatement des baies grâce à son action de ciment naturel. Enfin, le molybdène intervient dans le métabolisme de l’azote au sein de la plante, et permet une meilleure utilisation des nitrates. L’impact du molybdène est particulièrement intéressant sur Merlot.

Cette stratégie d’encadrement de floraison s’avère très souvent payante, surtout dans les sols calcaires où le bore reste difficilement assimilable par la plante, et dans les sols acides où les carences en molybdène et en magnésium sont très courantes.

 

Maturation des baies

Il est également possible d’intervenir en foliaire lors de la maturation des baies, afin d’améliorer le pool aromatique, la résistance à l’oxydation, l’enrichissement des moûts en azote assimilable, d’intensifier la couleur ou le caractère gras. Mais il faut pour cela distinguer vins rouges, blancs et rosés afin de choisir une stratégie adaptée à ses objectifs et aux typicités du cépage.

Pour les vins blancs

Les apports foliaires d’azote et de soufre, sous forme sulfate, permettent d’améliorer le potentiel thiols des vins blancs. Ces éléments sont essentiels à la synthèse des acides aminés soufrés (ASS) qui forment le glutathion. Celui-ci est ensuite consommé par les levures puis réapparait suite à la fermentation alcoolique. Cette stratégie peut être appliquée sur vin blanc fruité (typiquement sur un Colombard) afin d’obtenir certaines notes d’agrumes, de pamplemousse, ou encore de buis, accentués par la présence de glutathions.

Sur des cépages dont les arômes sont de type terpéniques, fins et discrets (Gewurztraminer, macabeu, grenache, roussanne,…) l’association soufre et phosphore est plus éfficace. En effet, le phosphore intervient dans le métabolisme énergétique des cellules, ce qui renforce ces arômes terpéniques et amène un complément intéressant et complexifiant.

Pour les vins rosés

Les rosés peuvent, tout comme les vins blancs, bénéficier d’un apport d’azote et de soufre lors de la maturation (post-véraison). Cela permet d’éviter les arrêts de fermentation lors de la vinification et d’accentuer les notes florales. Cette stratégie est très adaptée à des cépages tels que cinsault, grolleau, ou grenache gris.

Le magnésium améliore la résistance à l’oxydation surtout sur syrah, cabernet sauvignon, ou grenache. Complémentés par le phosphore, les vins rosés gagnent en éclat et en couleur, donnant une certaine vivacité, très appréciée des consommateurs.

Pour les vins rouges

On observe très souvent des carences en magnésium lors de la maturation sur des cépages tels que le cabernet-sauvignon, le cabernet franc, ou encore le pinot noir. Cette carence est régulièrement observée suite à d’importantes pluies avant la récolte. Ces pluies sont suivies d’une absorption du potassium et de l’azote dans le sol vers les bois. Ce phénomène perturbe la maturation des baies et induit un risque plus important pour les maladies de fin de cycle. Le phosphore permet de renforcer les défenses naturelles de la vigne alors que le magnésium va accentuer la couleur et le caractère gras, qui s’accompagne par un enrichissement assez net en polyphénols.

L’élevage du vin peut être impacté par le programme et la stratégie de fertilisation au vignoble. De nombreuses études témoignent des effets du foliaire à véraison, ainsi que d’une nutrition optimale lors de la construction du fruit.

 

La fertilisation est trop peu souvent considérée comme pilier et allié dans les stratégies de nutrition des vignobles. Et pourtant, les éléments nutritifs, apportés à la bonne dose, au bon moment et sous la bonne forme, participent grandement à l’obtention de vins de qualité, révélant leurs typicités et leurs authenticités