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09 février, 2024

Fertilisation des prairies : s’adapter aux évolutions du climat

L’impact croissant du changement climatique est au cœur des préoccupations du monde agricole. Alors que la tendance est à un redémarrage de plus en plus précoce de la pousse de l’herbe et que les sécheresses de printemps se généralisent, comment adapter la conduite de sa prairie ? Déclenchement des apports, choix de la forme d’azote, ajustement aux besoins : la fertilisation azotée est un levier pour faire face aux évolutions du climat.


épandeur d'engrais sur prairie
épandeur d'engrais sur prairie

Sécheresses précoces, mercure en hausse, déficit hydrique des sols… force est de constater que les “normales de saison” sont de plus en plus bousculées par l’évolution du climat. Une tendance qui n’épargne pas les prairies : les modélisations de l’observatoire régional sur l’agriculture et le changement climatique (Oracle) prédisent un démarrage de la végétation vers la fin janvier, avec un pic avancé d’une vingtaine de jours et un creux de  production d’herbe plus prononcé l’été, renforçant l’importance de constituer des stocks d’herbe dès le début saison. Quant à la mise à l’herbe, celle-ci pourrait intervenir en moyenne 16 jours plus tôt d’ici 2100, selon Climalait, une étude multi-partenariale sollicitée par le Cniel.

 

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Source : Idele - les chiffres clés des prairies et des parcours (janvier 2022)


Premier apport à 200°C : un repère qui se décale

Dans le panel de pratiques envisagées pour accroitre la résilience des systèmes prairiaux, la fertilisation azotée est un levier. Objectif : stimuler la pousse de l’herbe pour constituer des stocks de qualité en capitalisant le plus possible sur ses premières coupes. La règle à suivre, et que chaque éleveur connaît, est celle des 200°C jour. Pour estimer le départ en croissance de l'herbe, et donc la date optimale d'apport d'azote en sortie d'hiver, il faut additionner la somme de températures en base 0°C depuis le 1er janvier de l'année pour intervenir à 200 °C.

« Pas de changement de ce côté-là à court terme, rassure Cédric Boudes, agronome grandes cultures chez Yara® France. Néanmoins, à l’avenir, on arrivera certainement au cumul des 200°C beaucoup plus vite. On assistera à un démarrage plus précoce de la croissance de l’herbe. La difficulté, c’est que ce repère est aujourd’hui régulièrement atteint avant même qu'on ait réglementairement le droit d'épandre. »

Être réactif pour viser la bonne fenêtre climatique

Se tenir prêt pour le premier apport permet de maximiser le premier cycle de pousse. À 300°C jour, il est déjà tard et le potentiel de développement de l’herbe est entamé. « Attendre, c’est s’exposer au risque de sécheresse au printemps, donc à celui de la dégradation de la qualité des fourrages, reprend l’expert. Qu’on soit sur une prairie pure ou multi-espèces, l’accompagnement au démarrage de la croissance est primordial. Dans les dates permises par la réglementation, il faut s’efforcer d’intervenir au plus près des 200°C jour, et surtout avec une forme d’azote rapidement assimilable. » L’urée doit être d’abord hydrolysée en ammonium, puis transformée en nitrate avant de pouvoir être absorbée par la plante. A l’inverse, l’ammonitrate, qui associe à parts égales de l’azote nitrique, immédiatement disponible même par temps froid et humide pour une action immédiate, et l’azote ammoniacal pour agir dans la durée et prendre le relai de la fraction nitrique, est particulièrement adapté en sortie hiver.

Le choix de cette forme d’engrais limite également les pertes en éléments nutritifs en cas de temps chaud et sec qui renforce la volatilisation ammoniacale à laquelle sont sensibles l’urée et la solution azotée (resp. 13 % et 8 % de l’azote apporté perdu contre seulement 2 % pour l’ammonitrate). « Sans compter que les fenêtres météo propices aux apports d’azote dureront sans doute moins longtemps », note Cédric Boudes. Rappelons en effet que 10 à 15 mm de pluie sont nécessaires après un apport azoté pour le valoriser. « Il faudra être réactif, atteler l’épandeur au bon moment et se préparer à le ressortir plus souvent sur une période plus courte. » Un réflexe à adopter après chaque exploitation de prairie (fauche ou pâture), pour continuer à stimuler la pousse de l’herbe, dans le cadre d’un fractionnement des apports.

Face aux défis du changement climatique, optimiser la fertilisation des prairies

Si 43 % des surfaces en herbe reçoivent chaque année au moins un apport d’azote minéral, une grande partie des prairies françaises pourraient être mieux valorisées. Avec seulement 40 unités en moyenne, la fertilisation azotée sur prairie est encore trop peu importante dans beaucoup d’exploitations. 

« Cela ne signifie pas pour autant forcer la dose, rappelle l’agronome. La France a un cadre règlementaire exigeant, mais clair et précis qui permet de couvrir les besoins. » Pour peaufiner la connaissance du potentiel de ses prairies et apporter la bonne dose, en suivant la règle des 200° jour, le bilan azoté du COMIFER est la méthode de référence. Un outil plus que jamais indispensable pour raisonner ses apports face aux défis du changement climatique. Dans tous les cas, il ne faut pas négliger la fertilisation azotée qui stimule la pousse de l’herbe. L’herbe doit être cultivée au même titre que n’importe quelle autre espèce de l’assolement.